Ces derniers temps, mon fils Jude, qui vient tout juste d’avoir 5 ans, est très préoccupé par une grande question : celle de la mort. Tous les soirs, il me regarde avec ses yeux remplis de larmes et me dit : « Maman, je ne veux pas que tu sois vieille. » Ce simple mot, « vieille », réveille en lui une peur bien plus profonde : celle de perdre un jour sa maman. Parfois, il pleure, désemparé à l’idée de voir le temps passer et de comprendre ce que cela signifie pour ceux qu’il aime.
À cet âge, les enfants commencent souvent à se poser des questions sur le temps qui passe, la vieillesse, et inévitablement, sur la mort. C’est un moment bouleversant pour eux, car ils prennent conscience de quelque chose qu’ils ne peuvent ni contrôler ni comprendre pleinement. Ce processus est normal, mais il peut aussi être difficile à vivre pour nous, parents, qui devons trouver les mots pour les rassurer tout en respectant leurs émotions.
Pourquoi les enfants s’inquiètent-ils de la mort ?
Entre 4 et 6 ans, les enfants entrent dans une phase de développement où ils commencent à comprendre les notions d’irréversibilité et de temporalité. Ils se rendent compte que vieillir signifie changer, et qu’à un moment donné, les personnes autour d’eux, y compris leurs parents, ne seront plus là. Ils n’ont pas encore la maturité cognitive pour bien saisir la mort, mais ils en ressentent l’angoisse à travers des expressions comme celles de Jude : « Je ne veux pas que tu sois vieille. » Derrière cette peur de vieillir se cache une terreur plus vaste, celle de la perte et de l’inconnu.
Comment accompagner un enfant face à la question de la mort ?
Il est crucial de reconnaître les peurs de l’enfant sans les minimiser. Lorsque Jude pleure le soir, je comprends qu’il ne cherche pas forcément une réponse rationnelle, mais un réconfort. Voici quelques clés pour accompagner les enfants dans cette prise de conscience :
1. Accueillir l’émotion avec bienveillance : La première étape est d’accueillir l’émotion de l’enfant sans essayer de la contourner. Lorsqu’il me dit qu’il ne veut pas que je sois vieille, je lui réponds : « Je comprends que tu aies peur. C’est normal de ne pas aimer l’idée de vieillir ou de perdre quelqu’un qu’on aime. Mais sache que je suis là pour longtemps et que je prends soin de moi. »
2. Répondre avec des mots simples : Les enfants ont besoin de réponses adaptées à leur âge. Inutile d’entrer dans des explications complexes. On peut simplement expliquer que tout le monde vieillit et que cela fait partie de la vie. Par exemple, je dis à Jude : « Vieillir, c’est comme grandir. On devient plus vieux, mais on reste la même personne à l’intérieur. Et même quand les gens ne sont plus là, on garde toujours leur amour avec nous. »
3. Référence à un livre rassurant : À ce stade, un outil puissant pour accompagner Jude dans la compréhension de la continuité du lien est l’histoire « Devine combien je t’aime » de Sam McBratney. Ce livre illustre magnifiquement l’idée que l’amour persiste au-delà du temps et de l’espace. En lisant cette histoire ensemble, Jude peut comprendre que, tout comme le Petit Lièvre et le Grand Lièvre Brun qui s’aiment « jusqu’à la lune et retour », notre amour l’un pour l’autre ne disparaîtra jamais, même si nous ne sommes plus ensemble physiquement. Ce type de récit aide à apaiser ses angoisses en lui rappelant que l’amour est plus grand que le temps.
4. Rassurer sur le présent : Il est important de réorienter l’attention de l’enfant sur l’instant présent. Quand Jude est triste, je lui parle du moment que nous vivons ensemble. Je le prends dans mes bras et lui rappelle que je suis là, en bonne santé, et que nous avons encore beaucoup de beaux moments à partager. Cela l’aide à revenir à l’ici et maintenant et à ne pas se projeter dans un futur trop angoissant.
5. Laisser l’enfant poser des questions : Les enfants sont souvent remplis de curiosité, même sur des sujets difficiles comme la mort. Encourageons-les à poser des questions, et répondons-y avec simplicité. Cela les aide à se sentir entendus et à comprendre à leur manière.
Quand faut-il s’inquiéter ?
Il est naturel que les enfants s’interrogent sur la mort à un moment ou à un autre, mais si cette angoisse devient persistante ou trop envahissante, il peut être utile de consulter un professionnel. Dans le cas de Jude, ses pleurs se limitent au moment du coucher, ce qui reste dans la norme pour son âge.
Cultiver la sérénité face à l’inconnu
Il n’existe pas de recette magique pour apaiser entièrement les craintes d’un enfant face à la mort, mais avec de la patience, de l’écoute et de l’amour, on peut les aider à traverser cette étape. En tant que parents, nous aussi pouvons être touchés par ces réflexions, car elles résonnent parfois avec nos propres peurs. Ce qui compte, c’est d’accompagner nos enfants avec bienveillance, sans leur donner de réponses toutes faites, mais en leur montrant que, quoi qu’il arrive, ils ne sont pas seuls.
Jude, comme beaucoup d’enfants de son âge, commence à explorer des questions profondes. Et même si ces moments sont parfois déchirants, ils sont aussi l’occasion de bâtir un lien encore plus fort et de poser les bases d’une discussion ouverte, qui l’accompagnera tout au long de sa vie.
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